BULLETIN ENCOD 3

BULLETIN NR. 3 d’Encod. MARS 2005
La PROHIBITION des DROGUES sur la DÉFENSIVE
La guerre aux drogues illicites approche rapidement du moment fatidique où les
derniers lambeaux de sa crédibilité, qu’elle persiste à vouloir maintenir dans l’esprit du
grand public, disparaîtront définitivement. Ce qui se produit en Europe est une
illustration de la profonde crise morale et du scepticisme à l’égard des autorités
compétentes et tous les autres acteurs qui souhaitent maintenir la prohibition sur ses
bases en matière de politique des drogues. A tous les niveaux, elle démontre de plus
en plus de signes de faiblesse. Car au lieu de produire des arguments qui prouveraient
au monde entier les avantages du maintien de la prohibition des drogues, les partisans
de la guerre aux drogues illicites se servent du chantage et de la diffamation, ou font
preuve de l’arrogance typique des personnes qui veulent ignorer la réalité. Les
conditions s’améliorent pour les partisans d’une révision des politiques en matière de
drogues.
Europe, Février 2005.
Trente ans ont passé depuis que la possession et la distribution de petites quantités de
cannabis ont été décriminalisé aux Pays Bas. Pratiquement toutes les villes
européennes ont mis en place des programmes d’échanges de seringues pour que les
usagers de drogues injectables disposent d’aiguilles propres afin de lutter contre le
SIDA. Les salles de consommation deviennent un instrument à part entière des
politiques « intégrées » officielles dans un nombre croissant de pays. Les mêmes
endroits s’équipent pour le testing des pillules. Tout ça et bien d’autres mesures, que
l’on regroupe sous une large bannière « la réduction des risques », a permis non
seulement de sauver des milliers des vies, mais contribuent à une autre évaluation
généralement sous-estimer. En fait, ce sont les usagers de drogues, et eux seuls, qui
sont à l’origine de ces résultats positifs présentés dans les rapports rédigés par les
fonctionnaires des organismes de lutte contre la drogue, comme ceux de
l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies.
La pertinence des résultats de la prévention des risques et des dommages, de la
réduction de la mortalité et des problèmes connexes aux usages illicites de drogue,
sont largement reconnus. Par certains aspects, on peut même considérer que la RdR
est un palliatif pour maintenir la prohibition en lui donnant un visage humain. De
nombreux dégâts liés à la production, à la distribution et à la consommation,
particulièrement ceux causés par le caractère illégal des drogues, continuent d’être
ignorés. Cependant, la remise en cause de la légitimité de la réduction des risques
serait extrêmement imprudente. C’était pourtant l’objet de la visite de Bobby Charles,
représentant du département d’état US pour l’application des lois internationales sur
les narcotiques, le 10 novembre 2004 à M. Antonio Maria Costa, directeur exécutif du
bureau de l’ONU contre la drogue et le crime. Charles voulait indiqué à Costa de
s’assurer que l’UNODC continuerait à s’opposer à la réduction des risques, puisque les
Etats-Unis sont un des principaux donateurs de l’UNODC (avec la Suède et l’Italie).
Costa a rapidement compris le message. Le lendemain, il promettait dans une lettre
qu’il adressait à Charles < http:www.encod.org/letundcp.htm > que la réduction des
risques ne se trouvera pas d’écho favorable dans les publications officielles de l’ONU.
Naturellement, l’interposition des USA était prévisible face aux gouvernements qui
depuis une génération mettent en place des mesures pour la réduction des risques et
qui croient fermement en leur efficacité. Beaucoup plus important est le fait que
l’UNODC, l’autorité la plus en vue pour le controle en matière de drogues, est prête à
sacrifier le bon sens lorsqu’elle subie des pressions politiques et financières, peu
importe si des individus mourront des conséquences de ces décisions.
Accuser leurs adversaires est une autre manière employée par les défenseurs de la
prohibition pour défendre leur cause. Le directeur de l’UNODC Antonio Costa
rappelle à l’envie que les personnes qui remettent en cause la prohibition « sont des
activistes pro-drogues, qui sont partie prenante des problemes de drogue ». D’autres,
comme le réseau nordique d’Hassela en Scandinavie (HNN) ou l’Europe contre la
drogue (EURAD), décrivent les reformateurs de la politique en matière de drogues
sont des conspirateurs manipulés par le millionnaire George Soros. Cet argument a été
employé par le président d’Eurad, Graine Kenny, lors d’une conférence publique en
septembre dernier à Oslo, en Norvège. Il s’efforçait de convaincre les autorités locales
que l’ouverture d’une salle de consommation dans leur ville placerait la Norvège dans
l’escarcelle de la stratégie globale de légalisation voulue par George Soros. Le 1
février 2005, la première salle de consommation en Scandinavie a été ouverte à Oslo.
Elle est ouverte aux usagers de drogues six heures par jour.
Finalement, les autorités publiques usent du non-respect pour éviter le dialogue avec
ceux qui plaident pour la réforme des politiques en matière de drogues. Début février,
le ministre de l’Intérieur britannique Charles Clark a refusé dans sa propre
circonscription de Norwich, une invitation de l’Alliance pour la Légalisation du
Cannabis pour une réunion publique sur les bénéfices retirés de l’usage thérapeutique
du cannabis, en déclarant qu’il n’avait « aucun respect pour la LCA et ses membres ».
Notons qu’il a le mérite d’être honnête envers ses concitoyens, dont une bonne partie
pourrait même avoir voté pour lui.
D’autre part, quelques instances européennes essayent de trouver une sortie
raisonnable au dilemme actuel entrentenu par des lois ne prenant pas en compte la
réalité, aussi longtemps que la base de la législation internationale en matière de
drogues, les conventions de l’ONU sur les stupéfiants, n’auront pas été révisées.
Indépendamment des bonnes nouvelles en provenance d’Oslo, des mesures
encourageantes ont été engagées par le Ministre de la santé Polonais, Marek Balicki,
qui a présenté début janvier une proposition de décriminalisation de l’usage de
stupéfiants. Un mois plus tard, les autorités belges decriminalisait l’usage de cannabis
à des fins personnelles : Depuis le 1er février 2005, au coeur de l’Union européenne,
vous pouvez maintenant cultiver 1 plante (femelle) et avoir 3 grammes de cannabis en
votre possession sans craindre des poursuites légales.
Bien entendu, il existe d’autres initiatives positives qui sont des graines d’espoir en
puissance. Tel est le cas, avec la décision de la Commission des libertés civiles,de la
justice et des affaires intérieures du Parlement européen d’organiser le 21 avril
prochain, une audition publique sur les politiques en matière de stupéfiants au sein de
l’Union européenne, afin d’influencer sur le processus d’élaboration du nouveau plan
d’action anti-drogue de la Commission européenne (2005 à 2009). Le but de cette
audition est de permettre un dialogue entre des représentants de la société civile et des
représentants des autorités compétentes afin de discuter l’intégration des éléments
prouvés scientifiquement dans les futures politiques de drogues de l’UE. Cela
figurerait la poursuite des travaux, après l’adoption du rapport Catania approuvé par le
vote du Parlement europeen en décembre.
Les millions de citoyens européens qui consomment des substances illicites ou qui
s’inquiètent de l’impact de la question des drogues sur la société sont tenu en otage par
des lois et des politiques, qui se justifient de manière douteuse, voire illégitime et qui
ont de nombreux effets dommageables. La nature des avantages supposés de la
prohibition est telle, que l’on ne permet pas au grand public de les connaître. D’autre
part, les dommages causés par la prohibition ne se limitent pas seulement au champ
sanitaire. La prohibition des drogues a un impact sur la sécurité alimentaire, sur
l’environnement et sur l’économie de nombreux états, et en termes de sûreté publique,
pour chaque citoyen du monde.
Ainsi il est de plus en plus difficile de défendre le statu quo actuel, le combat pour des
politiques différentes en matière de drogues continue face à la responsabilité d’un
groupe restreint d’individus qui ne supportent pas d’être placés sous les feux de la
critiques. Les défenseurs d’une politique différente en matière de stupéfiants offrent
des opportunités intéressantes pour le mouvement altermondialiste, en allant au-delà
d’un objectif propre, grâce à un réseau unique rassemblant des individus en marge ou
en rupture avec la société « globalisante ». Pour cela, il faut que tous les partisans de la
réforme des conventions de l’ONU s’allient, et c’est une des raisons d’être de l’Encod.
En février dernier, ENCOD a proposé à tous les différents réseaux d’ONG
internationales qui traitent le phénomène des drogues de se coordonner en vue de la
participation active de la société civile, lors d’une audition au Parlement européen en
avril. Malheureusement, les deux principales organisations de financement oeuvrant
sur ce thème, l’Open Society Institute et la NEF/Conseil de Senlis, n’ont pas montré
d’intérêt pour cette proposition, qui est donc tombé à l’eau.
Nous tentons également d’approcher l’industrie chanvrière pour leur suggérer de jouer
un rôle actif – par exemple en organisant un Salon du chanvre, de l’ecologie et des
alternatives à Vienne, simultanément à la réunion de la CND dès l’année prochaine.
Cela permettrait d’attirer plus de monde pour venir à nouveau manifester sous les
fenêtres des Nations Unies. Aussi, nous appelons à faire du samedi 7 mai 2005, le jour
de la Marche mondiale pour le cannabis, un événement mondial pour semer les
graines de l’espoir d’une politique différente en matière de drogues. Enfin, nous
continuons à rechercher des VIP qui nous soutiendraient financièrement, et nous
comptons sur votre appui pour faire connaître l’action d’ENCOD afin d’élargir le
réseau des organisations membres et le nombre d’abonnés à notre lettre d’information.
Pour l’ENCOD :
Joep Oomen www.encod.org

Source: http://encod.org/info/IMG/pdf/BULLETIN3_FR.pdf