BULLETIN ENCOD 77

BULLETIN ENCOD SUR LES POLITIQUES DES DROGUES EN EUROPE

JUILLET 2011

UN CAILLOU DANS LA CHAUSSURE

L’Assemblée générale d’Encod qui a eu lieu du 24 au 26 juin 2011 à Prague (République Tchèque) a généré une riche et profonde analyse des capacités et des perspectives du mouvement de citoyens européens pour mettre un terme à la guerre des drogues. Plus de 20 membres de 10 pays ont partagé leurs expériences dans les contextes locaux, nationaux et internationaux, ils ont aussi élaboré une stratégie commune pour les 12 prochains mois.

La question centrale de l’ordre du jour a été : » Comment pouvons-nous, en tant que coalition de citoyens, nous rendre le plus efficaces possible, avec nos moyens limités, pour défier la prohibition des drogues ? » Bien que les climats politiques des drogues dans les différents états européens sont extrêmement divers et difficilement comparables, la position prise par les membres d’Encod pour influer sur ces climats reste la même. La prohibition des drogues n’est pas seulement un échec, c’est aussi une politique criminelle qui nuit délibérément à des intérêts publics tels que la santé, la paix, la cohésion sociale et le respect des droits humains. Du fait que l’institution politique du monde occidental dépende de la prohibition comme d’un pilier basique de cette structure de pouvoir, il est nécessaire de procéder à une réforme authentique de cette structure pour abolir cette prohibition. Seule l’initiative d’un mouvement de citoyens peut être à l’origine de cette réforme. Pendant ce temps là, les gouvernements et les pouvoirs économiques feront tout pour neutraliser cette force.

La formation de Clubs Sociaux du Cannabis est un des exemples de la façon dont les citoyens peuvent diriger le débat sur la politique des drogues. les CSC sont des associations qui fournissent du cannabis à leurs membres pour leur usage personnel. En Espagne, et à un niveau moins important en Belgique, les Clubs Sociaux du Cannabis sont un succès. Ils ont prouvé qu’il est possible de réguler le marché du cannabis pour des adultes de façon totalement transparente, en protégeant le droit des consommateurs d’avoir accès à des produits propres sans avoir besoin de recourir au marché noir. Cependant, du fait qu’il n’y ait pas de cadre légal clair qui définisse les marges dans lesquelles les Clubs peuvent agir. Des gens, dont le seul but est de faire de l’argent, utilisent le concept pour installer des faux clubs. Il semblerait que des intérêts financiers développent une stratégie pour exploiter différentes formes de gestion de Cannabis Social Clubs en Espagne, dans le but de mettre en place des entreprises privées à grande échelle qui élimineront la formation de clubs à petite échelle.

Par ailleurs, le gouvernement hollandais a découvert ce concept de club. Dans son intention de limiter l’accès des coffeeshops aux seuls résidents hollandais, il a proposé un plan pour convertir les coffeeshops ayant des propriétaires privés, en clubs fermés, ouverts seulement aux membres. La municipalité d’Utrecht a initié un processus pour mettre en place une expérimentation scientifique, avec un Cannabis Social Club, qui fonctionnera en marge des 14 coffeeshops existants. Donc, pendant qu’en Espagne quelques chefs d’entreprises essaient de convertir les Clubs Sociaux associatifs en entreprises privées, les autorités font exactement le contraire. Ces efforts sont fait pour avoir le contrôle sur le marché du cannabis, sans nécessairement défendre les intérêts des consommateurs.

Lors des prochains mois, un groupe de travail formé par des membres d’Encod analysera la possibilité de créer un code de conduite européen pour les Clubs Sociaux du Cannabis, basé sur l’intention d’origine de l’initiative : faciliter à des personnes adultes la création de circuits fermés sans but lucratif, de production, de distribution et de consommation de cannabis. L’idée serait de formuler une définition des Cannabis Social Clubs qui souscrivent à ce code conduite afin de faire clairement la différence entre les vrais clubs et les faux. Ainsi, les actuels et les futurs Clubs Sociaux du Cannabis pourront convaincre l’opinion publique et les autorités locales et nationales et pour qu’au premier coup d’oeil ils ne soient plus sceptiques quant à la proposition des CSC .

Nos expériences des deux forums internationaux dans lesquels Encod essaie de faire entendre la voix des citoyens, le comité d’ONG aux Nations Unies à Vienne et le Forum de la Société Civile de l’UE à Bruxelles, ont été largement discutées lors de l’AG. Nous avons décidé de former un groupe de travail spécial qui préparera notre présence à la Commission des Stupéfiants de l’ONU à Vienne en 2012, cette fois sous une forme non conventionnelle. En même temps, nous sommes disposés à nous joindre à des initiatives que d’autres pourraient prendre pour une manifestation publique en face de l’édifice de l’ONU.

La décision de participer ou non, et sous quelles conditions, au Forum de la Société Civile de l’UE, a pris plus de temps. La grande majorité des participants étaient d’accord avec la conclusion de Fredrick Polak qui a défendu le chojx de rester, tandis que quelques uns concordaient avec les observations critiques de Joep Oomen qui a suggéré qu’Encod devrait suspendre sa présence jusqu’à ce que changent les circonstances. Nous nous sommes mis d’accord que pour que lors des prochaines sessions nous adoptions la stratégie du « caillou dans la chaussure ». Nos représentants ne continueront pas seulement dans l’approche diplomatique pour essayer d’inscrire la régulation des drogues à l’ordre du jour de l’Union Européenne, mais ils mettront aussi l’accent sur le manque de transparence, la démocratie et l’efficacité du CSF.

Les représentants au CSF seront désignés par le nouveau Comité Exécutif qui a été élu à la suite d’une brève discussion. Fredrick Polak et Jorge Roque continueront en tant que membres du CE, tandis que Marisa Felicissimo et Pedro Quesada se retirent. Ils seront remplacés par Hanka Gabrielova (République Tchèque), Boaz Wachtel (Israël), Janko Belin (Slovénie) et Louis Everaerts (Belgique). Nous les félicitons, ainsi que tous les membres d’Encod pour avoir un nouveau groupe d’activistes d’expérience qui dirigera l’organisation durant les deux prochaines années.

L’Assemblée générale a salué chaleureusement la décision prise par le gouvernement bolivien le 23 juin de renoncer à la Convention Unique de l’ONU et d’adhérer de nouveau en émettant une réserve sur tous les articles qui mentionnent la consommation traditionnelle des feuilles de coca. La semaine dernière, lors d’une rencontre co-organisée par Encod à Anvers en Belgique, a été créée une association qui a pour objectif de mettre en place un circuit pour la distribution à petite échelle et basé sur le commerce équitable de feuilles de coca de culture biologique et de ses dérivés traditionnels pour les consommateurs en Europe. Tout comme les Cannabis Social Clubs, l’importation légale de la feuille de coca en Europe peut être une alternative au marché illégal, parce qu’elle offre une issue légale pour les producteurs en même temps qu’elle démontre aux citoyens européens comment il est possible de consommer de la cocaïne de façon responsable, sans aucun risque ni pour soi-même, ni pour autrui.

Parmi les autres activités qu’Encod développera cette année, on prévoit l’organisation d’une audience publique sur le thème de la feuille de coca au Parlement Européen, des campagnes de soutien aux prisonniers de la guerre aux drogues et, si les conditions le permettent, une campagne pan-européenne pour le retrait de la Convention Unique de l’ONU en 2O12, un siècle après qu’ait commencé le travail préparatoire de cette Convention durant la Conférence Internationale de l’Opium de La Haye. Pendant ce temps, nous ferons tout pour assurer notre présence aux foires du chanvre organisées dans toute l’Europe.

L’année prochaine, l’Assemblée Générale aura lieu à Anvers, en Belgique, au nouveau siège d’Encod. J’espère vous y voir nombreux.

Par Joep Oomen

Trad. : Jean Michel Rodriguez