BULLETIN ENCOD 15

LE BULLETIN D’ENCOD SUR LA POLITIQUE DES DROGUES
EN EUROPE
Numéro 15 Mars 2006
Le dilemme de Pandore
Ce n’est pas pour des raisons de santé que les drogues sont interdites. Il
existe suffisamment de preuves scientifiques et concrètes disponibles pour
en
conclure que la prohibition des drogues créé ou augmente les risques
sanitaires au lieu de les diminuer. On pourrait beaucoup mieux limiter ces
risques dans un système oú la production, la vente et la consommation serait
régularisées. Quels sont les vraies raisons á la prohibition des drogues ?
Pourquoi n’y-a-t-il pas de débat public sur ces raisons ? Quels sont ces motifs
secrets que nous avons toujours voulu savoir sans jamais pouvoir le
demander ?
Tous les fronts dans la lutte pour la paix des drogues dans le monde entier
sont unanimes: il subsiste des accrochages entre les citoyens qui s’occupent
des mécanismes de contrôles et les autorités qui administrent ces
mécanismes. Cela ne veut pas dire qu’après la fin de la guerre aux drogues, il
n’y aura plus besoin de contrôle. Les autorités doivent simplement remplacer
la politique actuelle répressive et négative par une positive (une protection
sanitaire). C’est vraisemblablement lá le grand dilemme. La prohibition des
drogues est un instrument dans les mains de ceux qui ont besoin de ce
contrôle répressif pour servir certains intérèts de l’industrie pharmaceutique,
financière et sécuritaire. Si on leur retire cette instrument, alors la boîte de
Pandore s’ouvre. Mais si les autorités la maintienne fermée, elle risque de
leur exploser au nez.
Le seul parti dont on puisse accepter qu’ils défendent une ligne dure contre
les drogues est le parti fasciste. Dans ce sens, la décision du gouvernement
italien (auquel participe un parti fasciste) le 8 février d’introduire une loi antidrogues
ultra draconienne est tout sauf incohérente. La nouvelle loi qui doit
encore être signée par le président italien ne fait aucune distinction entre les
drogues dures ou douces ni entre le vendeur et le consommateur. Les seuls
qui bénéficieront de cette loi sont les personnes qui travaillent en prison ou
dans les centres de réinsertion.
De même en Belgique, une version moderne du fascisme s’est implantée
dans le paysage politique belge avec la présence du nationalisme flamand, le
Vlaams Belang (Front national flamand). Ce parti défends par conséquent
une approche agressive des drogues, ce qui passe très bien avec leur idéal
social basé en général sur la loi et l’ordre (law and order).
Lorsque le premier secrétaire du parti francophone socialiste (PS), Elio Di
Rupo fût le 13 février la suggestion de décriminaliser l’usage de 5 grammes
de cannabis (jusqu’á maintenant la possession de 3 grammes est
dépénalisée, bien qu’il puisse y avoir des poursuites en cas de
« ‘circonstances lourdes »), savait très bien à qui il s’attaquait. Les partis de
coalition du PS du gouvernement belge, les partis flamands démocrates, ont
jusqu’á aujourd’hui eut trop peur de parler du cannabis, vu que leur stratégie
consiste à éviter autant que possible ce débat avec le Vlaams Belang.
Les méthodes des prohibitionniste suédois sont depuis longtemps connues
pour leur caractères fascistes. Une de leur organisations, le Hassela Nordic
Network (Réseau nordique Hassela), a déjà utilisé une jeune fille de 15 ans
pour la présenter à la presse mondiale comme une toxicomane dépendante
au cannabis qui avait jurée de ne plus jamais consommer l’herbe du mal.
Entre temps, le réseau European cities against drugs (ECAD) dirigé par
Thomas Hallberg (voire notre dernier bulletin) a ouvert un procès contre
l’union des usagers de drogues de Suède, le Brukarforeningen, simplement
parcequ’ils sont membres d’ENCOD.
Dans une lettre publique au conseil municipal de Stockholm Brigitte Rydberg ,
une parlementaire suédoise en lien avec ECAD, demanda début février de
couper les subventions municipales versées à l’association Brukarforeningen,
qui sont honteusement liées aux  » libéraux des drogues ».  » Nous devons
arrèter de financier l’accoutumance aux drogues », dit Rydberg. Encod et
Brukarforeningen ont tout de suite issu une déclaration de presse et adressé
une lettre publique á la commissaire suédoise de l’Union Européenne Margot
Wallstrom (responsable de l’amélioration de la communication avec les
citoyens), et ce avec des résultats. Dans une réaction au débat dans une
colonne d’opinion du journal sérieux le Dagens Nyheter du 20 février on a
décrit le monde sans drogues comme une utopie, et ça n’arrive pas tous les
jours dans les médias suédois.
La boîte de Pandore pourrait bientôt exploser aux Pays-Bas. Les pouvoirs
politiques qui se servent de la peur pour justifier un contrôle sont ici
représentées en la personne du ministre de la justice Donner, mais tout
montre qu’il est sur une pente savonneuse. Non seulement il doit faire face á
une pression croissante du front du cannabis, oú le maire de Maastricht Gerd
Leers défends l’idée d’une expérience d’une production du cannabis
contrôlée. De même, comme cela semblais le cas lors d’un débat public
organisé le 17 février par la fondation sur la politique des drogues, le Stichting
Drugsbeleid, il existe une large majorité d’ experts néerlandais et des
organisations d’usagers favorable á une expériment avec la distribution
controllée de cocaíne.
Les organisation d’usagers aux Pays-Bas ou d’un autre pays pourraient dès
maintenant commencer á consommer de la cocaíne de manière innocente,
principalement sous forme de thé de coca telle qu’elle est depuis déjà 7000
ans, consommée ainsi traditionnellement par les populations indigènes
d’Amérique du Sud. Sans qu’on ai pu jusqu’á aujourd’hui fournir de preuve de
sa nocivité de quelque forme que ce soit.
Au contraire, la liste des applications potentielles des feuilles de coca sous
leur aspect naturel, comme moyen thérapeutique pour améliorer les fonctions
corporelles, est impressionnante. La vente des feuilles de coca n’est pas
légale, mais elle est tolérée dans les Smartshops aux Pays-Bas.
En collaboration avec le gouvernement bolivien, Encod plante une campagne
médiatique brève sur le thème de la coca début mars, surveillez bien notre
site web. La campagne portera sur la proposition bolivienne de retirer la
feuille de coca de la liste des stupéfiants interdits par la convention des
Nations-Unis, qui sera discutée dans la réunion de la Commission des
Nations-Unis sur les drogues du 13 au 17 mars.
Entre-temps notre attention se tournera vers la commission européenne á
Bruxelles, qui en ce moment envisage sa première démarche en direction
d’un dialogue avec les organisations civiles sur la politique des drogues, suite
à la conférence de janvier sur ce thème.
Cette prochaine démarche, c’ est la publication de Green Paper, le papier
vert qui paraîtra en juin 2006. La question importante de ce Green Paper est
de savoir si la commission sera fidèle á ses intentions d’établir un dialogue
réel avec les citoyens ou si elle continuera á exclure les voix dans ce débat
de ceux qui représentent les citoyens concernés, avec l’argument que ceux-ci
ne sont pas fiables.
Joep Oomen – www.encod.org

Source: http://encod.org/info/IMG/pdf/BULLETIN15_FR.pdf